PARIS, Hôpital de la Salpêtrière. Photo © Marie-France Dubromel. Le 19 04 2016
Elles seront plus de huit cents filles à faire la traversée de l'Atlantique, à venir fonder une famille et peupler le pays entre 1663 et 1673. Femmes immigrantes dont le départ vers l'inconnu était volontaire, elles sont envoyées en Nouvelle-France pour répondre aux besoins de peuplement de la colonie.
« Les filles du roi, tout comme leurs devancières, ont été des femmes courageuses... Émigrer vers des colonies lointaines, peu sûres et au climat difficile, était une aventure à tenter pour des hommes, mais fort mal vu à l'époque pour des femmes. » 1
Elles sont néanmoins parties, quittant la France pour ne plus revenir. Elles débarquent dans un pays jeune où tout est encore à faire, où tout reste à bâtir.
Un peu plus de la moitié de ces filles sont des orphelines, sans dot et donc sans avenir, et la majorité ont moins de 25 ans. Si la plupart sont originaires de Paris, les autres proviennent des provinces environnantes dont la Normandie, la Bretagne et l'Ile de France. Le recrutement se faisait principalement à La Salpêtrière, qui hébergeait les femmes indigentes et les orphelines. On leur enseignait à lire, à tricoter, à faire de la lingerie, de la broderie et de la dentelle; on leur donnait un solide enseignement religieux.
« Une fois embauchées, les "Filles du roi" étaient dirigées vers un port de mer, soit Dieppe, soit La Rochelle, où elles embarquaient sur des navires en direction du Canada». 2 Montr
(1) Sylvio Dumas. Les filles du roi en Nouvelle-France. Québec, 1972.
(2) Jacques Lacourcière. Histoire populaire du Québec : des origines à 1791. Montréal, 1995.
© Musée de la Civilisation. Québec https://www.mcq.org/fr/ Archive 1998
Arrivée des Filles du roi en Nouvelle-France
par Eleanor Fortescue-Brickdale
Contribution photographique, ©Sophie Le Goïc,
Musée de la Civilisation, QUEBEC, 2022
« Il faudrait les nommer toutes, à haute voix, les appeler par leur nom, face au fleuve d’où elles sont sorties au dix-septième siècle, pour nous mettre au monde et tout le pays avec nous.
Anne Perro de Saint-Sulpice Paris, arrivée en 1669, mon aïeule Blais
Marie Major de Normandie, arrivée en 1668, mon aïeule Sirois
*Catherine Fièvre du Poitou (1663)
*Marie Lafaye de Saintonge (1663)
Louise Menacier de Bourgogne (1663)
*Marguerite Peuvrier de Paris (1663)
*Marguerite Abraham de Paris (1665)
Marguerite Leclerc de Tours (1665)
*Marie Magnier d’origine inconnue (1665)
Françoise Pilois de Paris (1665)
*Anne Rivet de Normandie (1665)
Marguerite Paquet du Poitou (1667)
*Marie Dallon de Saintonge (1668)
Martine Crosnier de Normandie (1669)
Catherine de Baillon de l’Ile de France (1669)
Barbe d’Orange de Chartres (1669)
Jeanne Campion de Normandie (1670)
*Françoise Durand de Normandie (1670)
Marie Guillaume de Paris (1670)
Anne Lagou du Mans (1670)
*Anne Langlois de Saint-Sulpice/Meudon (1670)
Agnès Lefebvre de Paris (1670)
Françoise Michelle de Bourgogne (1670)
Jeanne Savonnet de Paris (1670)
*Madeleine Thibierge de Blois (1670)
Jeanne Chevalier de Normandie (1671)
Anne Roy de Paris (1671)
*Constance Lepage de Bourgogne (1673), et d’autres encore…
Ces 28 Filles du Roy apparaissent dans le chevelu des arbres de mon histoire familiale ; nombreuses sont présentes en tête de plusieurs branches. 11 d’entre elles (*) font partie des Filles du Roy établies à l’Ile d’Orléans entre 1663 et 1673 (comme mon aïeule maternelle Anne Perro — Perrault— arrivée en 1669). 9 sont des filles de « l’envoi » de l’Hôpital général du 26 avril 1670.
« Ce n’est rien (...) de réciter un chapelet de noms de filles, de leur rendre hommage, de les saluer au passage, de les ramener sur le rivage, dans leurs cendres légères, de les faire s’incarner à nouveau (...) celles qui sont rentrées en France, trop effrayées pour vivre ici, parmi les sauvages, la forêt et le terrible hiver, celles qui ont eu dix ou quinze enfants (telle mon aïeule Anne Perro, morte en couches), celles qui les ont tous perdus à mesure, celle qui a réussi à en sauver un seul (…), celle qui a été rasée et battue de verges aux carrefours ordinaires de la ville pour crime d’adultère (Anne Godeby arrivée en 1669, amante d’Antoine Roy dit Desjardins, l’époux de Marie Major, mon aïeule Sirois) et la petite Renée Chauvreux enterrée dans le cimetière, le cinq janvier 1670, venue de France par les derniers vaisseaux et trouvée morte dans les neiges… comment la réveiller… lui demander son secret de vie et de mort. »
Anne Hébert. Le Premier jardin. ed du Seuil / ed. du Boréal
In : Mémoires vives
Bulletin n°32, juin 2011 :
Les Filles du Roy. Des bords de Seine aux rives du Saint-Laurent,1663-1673 par Maud Sirois-Belle et « ses » grands-mères Filles du Roy
Plaque commémorative des Filles du Roy.
Photo © Marie-France Dubromel. Québec, le 03 06 2016