[...] ouvrant un service de presse qui se trouve dans ma boîte aux lettres, je tombe presque immédiatement sur un poème narratif des Indiens Crees, qui raconte l'histoire d'un manteau qui cherche un homme à se mettre.
Une fois j'ai fait le voeu d'un manteau
portant un homme à l'intérieur.
L'homme dormait
et quand il s'éveilla
il avait un manteau sur le dos !
C'était l'été, alors beaucoup de gens lui demandèrent
" Pourquoi portes-tu ce manteau ? "
" C'est lui qui me porte ! "
répondit-il.
Il essaya de l'enlever
mais je fis le voeu que sa mémoire soit transie de froid
pour qu'il ne veuille pas se rappeler
comment enlever le manteau.
Ainsi le manteau resterait au chaud [...]
Ce poème - qu'il faudrait lire in extenso - montre bien combien les Indiens Crees ont su exploiter les interstices, les affinités et les paradoxes pour en faire des visions. Il faudrait le dire à haute voix, avec les inflexions de Raymond Devos. Il y a là tout un art que nous avons perdu et qui, en attendant, ouvrirait la voie du côté d'une autre logique : celle des idées qui ne pensent pas.
Jacques MEUNIER ( Voyages sans alibi. FLAMMARION, 1994)
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